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 Excellent article sur la formation de l ecriture du japonais

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AuteurMessage
Jérémy
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Jérémy


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Age : 41
Localisation : Kobe
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MessageSujet: Excellent article sur la formation de l ecriture du japonais   Excellent article sur la formation de l ecriture du japonais Icon_minitimeMar 12 Jan 2010 - 4:59

Osu.

On sait tous que le japonais, langue sans écrit à l’origine, a utilisé le système chinois pour se lancer dans la grande aventure de l’écriture. Mais que sait-on vraiment de ce processus ? Car le fait est que l’opération ne s’est pas faite du jour au lendemain, l’on aurait en effet vite fait d’oublier que pour les premiers japonais qui ont rencontré les caractères chinois, cette dernière langue était véritablement du... chinois. La japonisation de l’écrit de l’Empire du Milieu est un processus relativement mal connu qui a pris du temps et qui ne s’est pas fait sans poser de nombreuses difficultés.

Je viens ainsi de trouver un très bon article de Catherine Garnier (faut-il la présenter ? C’est la Première Dame de France pour ce qui est de la grammaire japonaise) qui, sans être trop long ni trop pointu, retrace les étapes de la création de l’écriture du japonais, écriture des plus complexes et riches au monde.

Je vous recommande vivement la lecture de cet article, qui, entre autres bienfaits, m’a permis de comprendre le pourquoi du comment du « kata » de katakana...

Jérémy
PS
L article se lit mieux sur WORD, n hesitez a me contacter par mp pour recuperer une copie.


Citation :
Histoire de l’écriture au Japon — Points de repère
Catherine Garnier
この放送局のニュースセンタでは,それらを整理して、テレビ・ラジオそれぞれ、
一日六・七時間、ニュースとして放送しています
kono hôsôkyoku no nyûsusenta de wa, sorera o seiri shite, terebi.rajio sorezore, ichinichi roku.nana jikan, nyûsu toshite hôsô shite imasu
"Au Service des infos de cette station émettrice, on traite les informations et on les diffuse 6 à 7 heures par jour à la télévision et à la radio."

Cette phrase, extraite d’un manuel scolaire, montre très clairement la situation de l’écriture dans le Japon actuel. Même sans un entraînement spécial, un œil un tant soit peu attentif, peut y reconnaître différents types d’écriture. En effet, coexistent ici d’une part des caractères chinois, reconnaissables à la complexité de leur organisation en traits (放送局 « station émettrice »,整理 « traitement »,日 "jour", 時間"heure", 放送 "diffusion"), et d’autres caractères qui se signalent par leur simplicité de tracé, et qui sont des signes phonétiques appartenant à deux syllabaires distincts. Les hiragana se repèrent à leur souplesse (こko, の no, で de, は ha ou wa, そ so, れ re, ら ra, を o, し shi, て te, と to, い i, ま ma, す su), les katakana à leur raideur (ニ ni, ユ yu, ス su, セse, ン n, タ ta, テ te, レ re, ビ bi, ラ ra, ジ ji,オ o).
Comment en est-on arrivé à cette situation ? C’est que ce que nous allons essayer ici de décrire. Ce qui est un véritable défi, puisqu’il faut rendre compte, en quelques pages, de processus qui ont duré des siècles.
Au Japon se produit la rencontre d’une langue et d’une culture qui s’étaient développées sans écrit, avec une écriture conçue ailleurs, dans l’empire chinois. L’ironie du sort a voulu que la langue japonaise présente de telles différences avec la langue chinoise que cette écriture n’était sans doute pas la mieux adaptée à sa notation. Aussi l’histoire de l’écriture au Japon apparaît-elle comme celle d’un long combat que les Japonais ont mené depuis le début de notre ère, et quasiment jusqu’à aujourd’hui, pour adapter à la notation de leur langue cette écriture étrangère.
Entre autres utilisations qu’ils ont faites de l’écriture idéogrammatique chinoise, les Japonais s’en sont servis pour établir un système phonétique : des signes qui, dans le système chinois ont une valeur à la fois sémantique et phonétique, se réduisent à une valeur uniquement phonétique. Ce type de processus n’est pas spécifique au Japon. Il existe un cas similaire avec le cunéiforme, lorsqu’il a servi pour noter d’autres langues que le sumérien. Ce qui est intéressant, dans le cas du Japon, c’est d’abord que ce système est encore en usage de nos jours, mais surtout qu’il a toujours coexisté avec un autre emploi des signes chinois, sinon exactement identique à leur utilisation chinoise, mais au moins fidèle à leur vocation originelle.
Pour entrer dans cette histoire, la meilleure démarche est peut-être de la décomposer en différents TEMPS, en essayant de cerner chaque fois à quel type de problème les Japonais se sont trouvés confrontés et les solutions qu’ils ont imaginées.
PREMIER TEMPS
Il semble que ce soit vers le premier siècle de notre ère que les Japonais ont rencontré pour la première fois l’écriture chinoise. Mais ce ne fut qu’une brève rencontre. Les Japonais ne paraissent pas avoir été, à l’époque, intéressés par cette possibilité de conserver les traces de la parole.
DEUXIÈME TEMPS
On situe habituellement le moment où les Japonais ont commencé à porter un intérêt à l’écrit, vers la fin du 4e siècle et le début du 5e siècle de notre ère. D’une part, au Japon, la situation intérieure a beaucoup changé, en particulier l’organisation politique. Et surtout, d’autre part, suite à des frictions entre la Chine et la Corée, arrivent au Japon un certain nombre de réfugiés coréens porteurs de la connaissance de l’écriture chinoise. C’est alors qu’a lieu la véritable rencontre des Japonais avec l’écriture. De cette époque restent quelques témoignages, trouvés au Japon, de signes chinois tracés sur du matériau durable, la pierre ou le métal. C’est ce deuxième temps qu’on peut considérer comme le véritable point de départ de l’aventure de l’écrit au Japon.
TROISIÈME TEMPS
Au début, cette écriture semble avoir été réservée à l’administration et avoir constitué un outil de centralisation. Il faut rappeler ici une précision importante. Nous parlons d’"écriture". Mais qu’est-ce qu’une écriture sinon le moyen de notation d’une langue donnée ? Lorsque nous disons que les Japonais ont rencontré l’écriture chinoise, il serait plus exact de dire qu’ils ont rencontré une langue, le chinois, possédant son système d’écriture. On peut penser que, pendant un certain temps, c’est en chinois, c’est-à-dire au moyen de l’écriture chinoise, mais aussi en langue chinoise, que les premiers écrits ont été rédigés au Japon ; sans doute, d’ailleurs, par des groupes de scribes, constitués par les réfugiés continuant à arriver de Corée ou par les descendants des premiers réfugiés.
QUATRIÈME TEMPS
A partir du 6e siècle, le processus entre dans un quatrième temps que nous pouvons qualifier d’essai d’appropriation par les Japonais du système d’écriture chinois. Ce qui va consister à s’éloigner de plus en plus de la langue dont ce système d’écriture était la notation.
Examinons un premier exemple. Il s’agit d’une célèbre inscription trouvée sur le dos d’un miroir. Elle témoigne de façon très vivante des premiers problèmes auxquels les Japonais ont eu à faire face. Sur cette inscription figure le nom d’un sanctuaire :

oshisaka no miya / Sanctuaire d’Oshisaka

Dans cette courte expression se posent trois problèmes. D’abord celui de la notation du nom propre japonais oshisaka. Il est évident qu’un nom propre japonais ne peut pas être directement noté par du chinois. La solution retenue, qui d’ailleurs existait déjà en Chine pour la notation des mots sanscrits, consiste à utiliser des caractères chinois, mais en oubliant complètement leur valeur sémantique, en d’autres termes, en ne retenant que leur valeur phonétique. C’est un système de rébus. On va couper le nom propre en 4 syllabes : o —shi — sa — ka, et pour chacune d’elles chercher un caractère chinois dont la prononciation serait proche, ce qui donne :

意 紫 沙 加
o shi sa ka

Le sens de chaque caractère, dans l’ordre : « intention » - « broussailles »- « sable » - « ajouter », n’a aucun rapport avec le sens de ce nom propre, où l’on peut repérer au moins la seconde partie, constituée par un mot japonais saka « pente ». Chaque caractère est pris ici comme la graphie d’une syllabe. Bien sûr, auraient pu être choisis d’autres caractères ayant la même prononciation.
Deuxième problème : le mot no (oshisaka no miya). Il s’agit d’un élément grammatical servant à assurer la relation entre deux noms. Un tel élément ne peut pas non plus être noté en chinois. Le choix ici a été de ne pas le noter du tout. Le lecteur japonais le rétablit de lui-même, car il est évident dans cette expression.
Enfin, le dernier mot, miya, qui signifie « sanctuaire », aura encore un autre traitement. Pour lui, il y a un équivalent sémantique en chinois, il sera donc possible d’utiliser le caractère chinois servant à noter le mot qui a la même signification. Ceci, sans se préoccuper, cette fois, de la prononciation chinoise, évidemment différente. C’est le caractère 宮, qui sert à noter le mot chinois gông = « sanctuaire ».
La graphie de l’expression entière sera donc :

意 紫 沙 加 宮
oshisaka no miya

où à chaque mot correspond une méthode différente de notation. Pour le premier mot, les caractères ont une valeur purement phonétique ; le second mot n’est pas noté ; pour le troisième mot, le caractère est utilisé pour sa seule signification.
S’approprier un système d’écriture, c’est, à un moment donné, avoir l’idée de s’en servir pour noter sa propre langue. Et c’est l’étape qui va être franchie à partir du 7e siècle. Cette fois écrire n’est plus épisodiquement graver quelques caractères sur un monument ou un objet, mais répondre à un besoin plus profond, de pouvoir noter des textes entiers. L’anthologie de poèmes connue sous le nom de Man’yôshû "Recueil de dix mille feuilles" rassemble des poèmes composés entre la moitié du 7e et la moitié du 8e siècle. Il s’agit de poèmes en pur japonais, mais notés à l’aide de caractères chinois. Nous prendrons comme exemple le poème numéro 107, du Livre 2. C’est le second poème d’un échange entre amants. Le premier poème (106) est écrit par l’homme, qui reproche à son aimée de ne pas être venue au rendez-vous qu’ils s’étaient donné. Le poème dit ceci :

ashihiki no yama no shizuku ni i mo matsu wo
ware tachinureru yama no shizuku ni

"Sous les gouttes de pluie de la montagne, j’ai attendu mon aimée
j’étais ruisselant d’eau, sous les gouttes de pluie de la montagne "

Le second poème, que nous allons examiner est la réponse de la femme :

a wo matsu to kimi ga nurekemu ashihiki no
yama no shizuku ni naramashi mono wo

"J’aurais voulu être ces gouttes d’eau de la montagne
qui ruisselaient sur mon seigneur, lorsqu’il m’attendait"

Reprenons ce texte, en analysant les différentes sortes de mots qui le composent :

a wo matsu to kimi ga nure kemu ashihiki no
yama no shizuku ni nara mashi mono wo

1. Les éléments italiques soulignés sont ce qu’on pourrait appeler, pour simplifier, des "mots pleins", c’est-à-dire des mots qui réfèrent à des objets, des actions, des états… : a = moi ; matsu = attendre ; kimi = mon seigneur ; nure = être mouillé ; yama = montagne ; shizuku = goutte d’eau ; nara = être ; mono est un mot plein, mais qui sert aussi d’outil grammatical.
2. Les éléments italiques non soulignés sont des éléments grammaticaux. Des particules, nécessaires pour qu’un nom assure une fonction syntaxique dans une phrase : par exemple wo qui indique la fonction complément d’objet, no qui indique un complément de nom. Des suffixes, qui suivent les verbes et expriment aspect, modalités… Ainsi kemu dit de « conjecture du passé », ou mashi exprimant le souhait.

Comment va-t-on noter ce poème, composé en pur japonais, en ayant comme unique matériau les caractères chinois ?
Pour les mots pleins, il sera possible, en général, de trouver un mot chinois qui a le même sens et de lui emprunter sa graphie. On ne tiendra pas compte de la prononciation chinoise, on ne retiendra que le sens. Ainsi, on trouvera bien un caractère qui représente le sens "attendre" ou "seigneur" ou "montagne". Certaines cases peuvent donc déjà être remplies.

吾 待 君 潤
a wo matsu to kimi ga nure kemu ashihiki no

山 成 物
yama no shizuku ni nara mashi mono wo

Mais que va-t-il en être pour le reste ? A un certain moment, l’usage a été de n’écrire que ces mots-là, en laissant le lecteur rétablir le reste, c’est-à-dire les éléments grammaticaux. Il était évident pour tout lecteur japonais que si on avait a et matsu il fallait rétablir wo entre les deux. N’oublions pas que l’écriture est d’abord la notation d’une langue. Et donc, même si tout n’est pas écrit, un locuteur de cette langue sait ce qu’il faut restituer pour que l’énoncé soit correct dans sa langue. Mais on ne peut se contenter d’une méthode aussi elliptique. Il faudra une solution plus satisfaisante. Elle va consister en l’utilisation des caractères chinois, qui sont la seule matière connue, mais cette fois pour leur seule valeur phonétique.
La notation de ce poème combinera donc : des caractères utilisés pour leur signification (ceux déjà écrits plus haut) et qui acquièrent une nouvelle prononciation puisqu’ils notent désormais des mots japonais ; et des caractères utilisés uniquement pour leur son – quelque peu adapté au phonétisme du japonais – mais ayant perdu leur valeur sémantique (entre parenthèses ci-dessous). On rencontre donc, dans ce texte, des caractères tous de même origine, puisque ce sont ceux qui ont été mis au point en Chine, mais utilisés de diverses façons.

吾 ( 乎 ) 待 (跡 ) 君 (之 ) 潤 ( 計武 ) (能 )
a wo matsu to kimi ga nure kemu ashihiki no

山 ( 之) (二 ) 成 物 (乎 )
yama no shizuku ni nara mashi mono wo

Il reste trois mots qui ne sont pas encore notés : ashihiki (sorte d’épithète quasi obligatoire de certains mots et dont le sens originel a échappé aux époques suivantes), shizuku et mashi.
Leur notation va mettre en œuvre des principes encore différents ashihiki est décomposé arbitrairement en trois mots japonais, exactement comme dans un rébus, et noté par les caractères chinois qui correspondent au sens de chacun de ces mots : 足 (ashi = pied, jambe) 日 (hi = soleil, jour) 木 ( ki = arbre). Le suffixe mashi est noté selon le même principe mais sans être décomposé. Quant à shizuku, sa graphie utilise deux caractères utilisés phonétiquement, donc toujours en rébus, mais le premier caractère l’est avec sa prononciation chinoise et le second avec une prononciation japonaise. 四 note le chinois shi "quatre", 附 note le japonais tsuku "être fixé à".
La notation complète du poème sera la suivante :

吾 ( 乎 ) 待 (跡 ) 君 (之 ) 潤 ( 計武 ) [足日木] (能 )
a wo matsu to kimi ga nurekemu ashihiki no

山 ( 之) (四 )[附] (二 ) 成 [益] 物 (乎 )
yama no shizuku ni naramashi mono wo

Si nous récapitulons :
1. les caractères non marqués sont là pour leur sens, ils servent à écrire les mot japonais ayant le même sens que les mots chinois qu’ils servent d’habitude à noter.
2. les caractères entre parenthèses sont là pour leur son. Leur sens a été mis de côté. Il s’agit de leur prononciation en chinois.
3. les caractères entre crochets sont là aussi uniquement pour leur son, mais il s’agit de la prononciation qu’ils ont en japonais quand ils servent à noter un mot qui a le même sens que celui que note ce caractère en chinois.
Ce système très compliqué porte un nom. C’est ce qu’on appelle en japonais les man’yôgana ; c’est à dire « l’écriture utilisée pour la notation des poèmes du Man’yôshû ». Il reste encore aujourd’hui, malgré des siècles de philologie, quelques problèmes pour l’établissement du texte de certains poèmes.
On peut facilement concevoir combien cette étape des man’yôgana a été importante. Elle met, pour nous, pleinement en lumière, les difficultés qu’ont pu rencontrer les Japonais dans l’utilisation d’une écriture venue d’ailleurs et assez mal adaptée à la notation de leur langue.

Vers la même époque, il y a eu d’autres essais pour rendre plus facile la lecture, c’est-à-dire l’interprétation du rôle de chaque caractère. Par exemple, l’écriture dite senmyôgaki "écriture des rescrits impériaux" joue sur la taille des caractères. Sont écrits grands les caractères utilisés pour le sens, c’est-à-dire les mots pleins, et petits ceux utilisés pour le son, c’est-à-dire les éléments grammaticaux. Ce qui donne des textes de ce type :

弱 人
児 祖
乎 乃
養 意
治 能
事 賀




Même si, en un sens, cet essai constitue un progrès, la méthode ne s’est pas imposée.
CINQUIÈME TEMPS
Pendant les 8e et 9e siècles, l’évolution continue. Comme on peut le prévoir, les mêmes éléments grammaticaux revenant régulièrement, il était nécessaire d’écrire souvent les mêmes syllabes. Aussi certains caractères se sont-ils spécialisés dans la notation des sons (ceci sans perdre leur capacité à noter, dans un autre contexte, un mot plein, sino-japonais ou japonais). Le tableau suivant présente des séries de caractères qui ont ainsi servi à noter certaines syllabes. Pour simplifier, nous avons repris ici les syllabes des éléments grammaticaux contenus dans le poème qui nous sert d’exemple. Pour chaque syllabe sont donnés quelques caractères ayant servi à les noter. Les listes de possibilités peuvent être beaucoup plus longues, atteignant parfois plusieurs dizaines de caractères. Dans tous les cas, le sens originel du caractère est ignoré, il a seulement valeur phonétique.

wo 乎 遠 尾 少 男 雄
to 跡 止 土 斗 度 都
ke 計 家 結 係 啓 下
mu 武 無 夢 霧 牟
no 乃 能 野 笑
ni 二 爾 尼 仁 而 迩

Un pas de plus, décisif, a été franchi : puisqu’on dispose maintenant de caractères pour noter les syllabes, il est possible désormais d’écrire à peu près fidèlement un texte en pur japonais. Mais le système reste imparfait car, d’une part, chaque caractère est assez complexe et donc long à tracer, et, d’autre part, il y a plusieurs possibilités pour une syllabe donnée. Une double évolution va se produire. D’abord, dans le courant des 8e et 9e siècles, petit à petit, par le biais du style d’écriture dit « cursif », la forme même de ces caractères employés phonétiquement va se transformer et se fixer. Naissent ainsi des signes nouveaux, proprement japonais – même s’ils sont dérivés de caractères chinois – et qui sont des signes à valeur purement phonétique : les hiragana "écriture simple". Au début, il existe plusieurs hiragana pour la même syllabe. L’autre évolution va donc être, dans le même temps, la réduction du nombre des hiragana affectés à la notation d’une syllabe donnée, pour arriver à un système stable : un seul signe par syllabe.
Voici quelques exemples de filiation à partir des mêmes syllabes que précédemment :

Hiragana
wo 遠  を
to 止  と
ke 計  け
mu 武  む
no 乃  の
ni 仁  に

Deux remarques. Il faut rappeler que pendant longtemps encore, on assiste à une répartition du rôle des diverses écritures . Une écriture uniquement composée de caractères chinois, notant une langue dite sino-japonaise, continue à prévaloir dans l’administration. La nouvelle écriture syllabique est réservée à la notation du japonais et devient le médium de nombreuses et magnifiques œuvres littéraires, principalement féminines, durant l’âge d’or des 10e et 11e siècles. D’autre part, les hiragana qui avaient été inventés, mais non retenus pour le tableau final, continuent d’exister et sont à la disposition, par exemple, des calligraphes.
SIXIÈME TEMPS
Mais cette séparation ne se confirme pas. Au fur et à mesure que la langue elle-même évolue et assimile les apports chinois, l’écriture se fait mixte, utilisant dans le même texte des caractères chinois pour les mots pleins, et des hiragana pour les éléments grammaticaux. Cette évolution est largement accomplie quand arrive le 13e siècle. C’est le système en usage aujourd’hui. Si on regarde les éditions modernes du Man’yôshû, c’est ce type de notation qu’on y trouvera. Voici celle de notre poème :

吾 を 待つ と 君 が 濡れけむ あしひきの
a wo matsu to kimi ga nurekemu ashihiki no

山 の しずく に 成らまし 物 を
yama no shizuku ni naramashi mono wo

On y reconnaît les caractères chinois à la complexité de leur forme, et les hiragana à leur tracé simple et souple.
CINQUIÈME TEMPS (BIS)
Pendant les mêmes 8e et 9e siècles, se poursuit un autre processus, qui tient cette fois non pas à l’écriture, mais à la lecture : la lecture du chinois. Cette langue restait en effet très importante dans l’administration et dans les milieux bouddhiques, où l’étude des textes écrits en Chine était la base de la formation et de la réflexion. Se sont développées, dans ces milieux, des méthodes pour lire directement le chinois. Pour un lecteur censé connaître la signification des caractères chinois, il suffisait de donner des indications sur l’ordre dans lequel les mots devaient apparaître dans la phrase japonaise, et de noter éventuellement par des petits signes les éléments grammaticaux à restituer pour avoir un énoncé correct en japonais.
Exemple d’un texte chinois lu en japonais :

己 己
ノ 所
所 不
レ 欲
不 勿
レ ル 施
欲 於
セ 人

レ レ

ニ ス




一 ニ


Toute la phrase est lue en japonais, sauf un mot (souligné ci-dessous) qui est un mot sino-japonais.

onore no hossezaru tokoro, hito ni hodokosu koto nakare
ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse.

Les signes de gauche sont des indications pour l’ordre de lecture des mots : soit un signe d’inversion, soit une numérotation.
Les signes à droite des caractères restituent les terminaisons ou les éléments grammaticaux nécessaires pour la structure de la phrase en japonais.
C’est ainsi qu’est né un autre système de signes syllabiques : les katakana. Comme pour les hiragana, il s’agit d’une utilisation de la même matière, les caractères chinois, pris là aussi uniquement pour leur son. La différence c’est que les katakana consistent en fragments de caractères. C’est d’ailleurs le sens même du mot katakana "morceaux de caractères". Chaque katakana ne reprend que 2, parfois 3, rarement plus, des traits qui composent le caractère duquel il est tiré. Le plus souvent, il s’agit des traits qui doivent être tracés les premiers.
Exemples de katakana :
to 止  ト
no 乃  ノ
ni 仁  ニ
ku 久  ク
i 伊  イ
na 奈  ナ

Dans ce cas aussi, comme pour les hiragana, il existe d’abord plusieurs caractères pour noter la même syllabe, puis le système se simplifie, pour atteindre sa stabilité au début du 11e siècle.
Si nous nous retournons un moment sur les siècles que nous venons de parcourir, nous pouvons voir ce que les Japonais ont fait de cette matière première que constituait l’écriture chinoise. Partant d’une base où il y avait une triple équivalence, à savoir un signe graphique = un sens = un son, ils ont effectué un certain nombre d’opérations sur chaque terme de cette équivalence :
1. ils ont gardé cette triple équivalence, en utilisant directement des mots chinois, avec leur son (un peu adapté), leur sens et leur graphie.
2. ils ont gardé le sens, mais donné au signe un autre son : lorsqu’ils s’en servent pour écrire un mot japonais.
3. ils ont gardé uniquement le son, en excluant le sens. C’est le système des man’yôgana.
4. ils ont gardé le son, exclu le sens, et changé la forme du signe. C’est le système des kana : hiragana et kanakana.
N-IEME TEMPS
On peut considérer qu’à partir du 11e siècle, le processus de formation d’une écriture syllabique est achevé, ce qui ne signifie pas que les problèmes liés à l’écriture soient réglés. Ils restent très vifs jusqu’à nos jours et constituent un des grands thèmes de réflexion pour tous ceux qui ont travaillé, au long des siècles, sur la langue japonaise. Nous ferons un grand saut par dessus tous ces autres temps, pour revenir à la situation actuelle. Que reste-t-il de cette évolution ? Tout. En effet, les quatre types d’utilisation des caractères chinois rappelés ci-dessus coexistent aujourd’hui. La graphie normale du japonais utilise conjointement tous ces systèmes. Massivement pour le 1, 2, 4. Mais même si le 3, le man’yôgana, ne constitue plus un mode de graphie usuel, il n’est pas totalement absent de l’usage. Il se retrouve dans nombre de noms propres, en particulier de lieux. Et il reste toujours comme une possibilité latente.
C’est sans doute cette mixité qui constitue la caractéristique de l’écriture du japonais contemporain.
Reprenons la phrase par laquelle nous commencions cet article :

この放送局のニュースセンタでは,それらを整理して、テレビ・ラジオそれぞれ、一日六・七時間、ニュースとして放送しています。
kono hôsôkyoku no nyûsusenta de wa, sorera o seiri shite, terebi.rajio sorezore, ichinichi roku.nana jikan, nyûsu toshite hôsô shite imasu

Chaque système d’écriture assume un rôle bien défini. Les caractères chinois servent à écrire des mots "pleins" : noms, verbes. Les katakana, qui sont nés pour la lecture directe des textes chinois, ont toujours eu une tendance à rester liés à l’idée d’étranger. Pendant longtemps, ils ont servi à noter (mélangés aux caractères chinois) des textes qui n’étaient pas sentis comme du pur japonais, mais qui étaient écrits dans un style composite, né justement de la lecture directe en japonais des textes chinois. Ce qui peut expliquer qu’on ait eu recours, à la fin du 19e siècle, aux katakana pour noter les mots empruntés aux langues occidentales, en particulier à l’américain. Ainsi les mots figurant dans notre exemple : ニュース = nyûsu = news, センター = senta = center, テレビ= terebi = televi(sion), ラジオ = rajio = radio. Les hiragana quant à eux, n’ont guère changé d’utilisation puisqu’ils servent à noter ce qu’il y a de plus japonais, tout l’outillage grammatical, ou aussi certains mots d’usage courant pour lesquels les caractères chinois ont été abandonnés.
La mixité ne s’arrête pas là, puisqu’il est possible de rencontrer aussi dans un texte des caractères latins, par exemple pour les sigles, et que les chiffres arabes tendent actuellement à détrôner les chiffres chinois.
Caractères chinois, hiragana, katakana, trois manières d’écrire qui gardent chacune leur coloration particulière. Même s’il existe un certain usage fixé par des règles, cette diversité offre au "scripteur" un espace de liberté qu’il est difficile d’imaginer dans nos langues à écriture alphabétique. Même si, la plupart du temps, le "scripteur" se conforme à l’usage, il peut choisir sa graphie. Par exemple entre une graphie en caractères chinois ou une graphie en hiragana. Ce n’est pas alors une question de "faute", mais de style. Pour prendre un exemple concret, le mot qui signifie "cigarette" : tabako, a pu être noté d’abord par deux caractères chinois – 煙草 – qui sont en fait une glose, puisqu’ils signifient "herbe à fumer". Pendant longtemps le même mot a été noté, comme tout mot emprunté, en katakana :タバコ. Aujourd’hui, il s’est complètement japonisé et s’écrit, de préférence, en hiragana : たばこ. Mais les trois graphies restent possibles. Cette liberté est très importante. On imagine tout de suite le parti qui peut en être tiré, en calligraphie, en design, en publicité, mais aussi en littérature.
Tout au long de leur histoire, les Japonais ont travaillé sur leur écriture pour essayer d’améliorer son adaptation à la notation de leur langue. Au 20e siècle encore, il y a eu de nombreuses réformes. La dernière réforme importante date de 1981 et de nouvelles mesures viennent d’être prises, en décembre 2000. Mais même si ces réformes s’emploient à imposer certains usages et à régler les normes de l’apprentissage scolaire, il arrive souvent que, pour l’usage privé, certaines personnes continuent à se conformer aux usages précédents, ou que dans l’usage "public" on observe certains flottements. Là encore, il n’y a pas "faute", seulement différence.
Lorsqu’on est en contact permanent avec l’écriture japonaise, on comprend combien cette diversité et cette liberté, si elles rendent parfois l’accès un peu malaisé, constituent une richesse d’expression incomparable.
Pour terminer, n’oublions pas que des dizaines de millions de Japonais pratiquent cette écriture quotidiennement et reconnaissons courageusement et honnêtement qu’il n’est pas plus long ni plus douloureux d’apprendre à maîtriser ce système que d’apprendre à écrire le français sans faute.

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